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“Ah, tu as été en Russie ? Oui, moi la Russie j’irais bien pour voir Saint-Pétersbourg. Ca, c’est une belle ville.”
 
J’ai entendu cette phrase un paquet de fois. Et je ne rate jamais une occasion de suggérer sans subtilité à quel point je pense que visiter Saint-Pétersbourg n’est que la moitié d’une bonne idée.
 
“Ah bon, pourquoi, ce n’est pas aussi bien qu’on ne le dit ?”
 
Si, et c’est précisément mon propos. Cette ville est exceptionnelle dès le premier coup d’oeil, c’est évident. Le faste de ses palais, le charme de ses canaux, les couleurs vives de ses rues… Elle a tout pour séduire le regard. Son patrimoine est d’une richesse unique au monde, sa vie culturelle est vibrante, son histoire est épique. Les férus de musées s’y sentiront au paradis (à condition de supporter la foule). Tout cela saute aux yeux. On serait tenté de la comparer à Rome pour son sens de la grandeur à outrance, à Venise pour ses canaux ou à Paris pour ses avenues. Et pour cause, bien des artistes français et italiens ont eu de belles carrières dans la cité des Tsars.
La Venise du Nord...
Notre-dame de Kazan
Le palais de Peterhof
Une rue très... bleue

 

Justement tout est là : Saint-Pétersbourg est avant tout la cité des Tsars.
 
“Merci, si c’était pour me dire ça, c’était vraiment pas la peine de tirer l’intro en longueur, j’étais au courant.”

 

Cher membre de l’humanité,
En es-tu bien sûr ? Sais-tu vraiment ce qu’est un Tsar ? Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je suis convaincu qu’il est impossible de vraiment le comprendre en visitant Saint-Pétersbourg. Plus précisément, en se limitant à Saint-Pétersbourg. Et ce, d’autant plus en tant que touriste européen habitué des palais multiséculaires et de tous ces symboles encore bien présents des temps révolus de la monarchie absolue. Vue depuis l’Europe, Saint-Pétersbourg pourrait rapidement se voir résumée à une grandiose collection de tels souvenirs issus de l’architecture, de l’histoire et de l’art européen. Mais Saint-Pétersbourg n’est pas l’Europe. Et elle est à la fois pleinement Europe.
 
“Bon, super… Et où tu veux en venir ? Tu vas le cracher, le morceau, oui ou non ?”
 
Oui, oui, j’y arrive… C’est que j’ai moi-même patienté avant d’aller visiter Saint-Pétersbourg pour la première fois et, sincèrement, je m’en félicite. Apothéose de ma quatrième visite en Russie, c’est après deux mois de séjours cumulés dans cet incroyable pays que j’ai découvert la cité des Tsars.
 
Une semaine plus tôt, mes compagnons de voyage et moi-même entrions dans la ville natale de Lénine, Ulyanovsk. Une des nombreuses perles un peu cachées de cet immense pays transcontinental.
 
Alors, tu commences à voir où je veux en venir ?
 
En Russie, les marques datant de l’époque de l’URSS sont nombreuses. Chaque ville a sa statue de Lénine, son avenue de Lénine, et la faucille, le marteau et l’étoile soviétique y sont visibles un peu partout. C’est d’ailleurs une des choses qui marque le plus les esprits occidentaux, rodés à associer communisme, régime soviétique et oppression systématique. Pour celui qui s’y intéresse, il y a en Russie de quoi casser du stéréotype en la matière. Du haut de mes deux tout petits mois, ce que j’ai perçu en glanant l’opinion de la population russe sur l’époque soviétique est complexe et extrêmement intéressant… Cette parenthèse fermée, tu devras être attentif et chanceux pour apercevoir l’aigle bicéphale des armoiries de la Russie tsariste. Et pourtant, c’est à l’époque des Tsars que le territoire russe s’est étendu à travers toute la Sibérie jusqu’à Vladivostok.
Le Lénine doré de Saransk
La grosse tête de Lénine (6m)
Hôtel stalinien de Moscou
En passant au bord du lac Baïkal

Saransk – Ulan Ude : ~5.000 km

Moscou – Slyudyanka : ~5.300 km

À Saint-Pétersbourg, tout est inversé. Lénine se sent bien seul face à une nuée d’aigles à deux têtes.

Au palais de Peterhof
À l'Ermitage
La forteresse Pierre et Paul
Oups... Erreur de casting !

Peterhof – Saint-Pétersbourg : ~30 km

En Russie, toutes les cathédrales, les monastères bouddhistes, les mosquées ont été dynamités pendant l’époque soviétique. Il y a quelques oiseaux rares qui ont échappé au massacre, mais ce sont bel et bien des exceptions. Ainsi, le peuple ne pouvait pas consommer cet opium qu’est la religion – si l’on en croit Karl Marx. En a-t-on profité pour retirer du même coup tous les aigles bicéphales de l’espace public ? Je n’en sais rien, mais cela ne serait que logique.

 
Saint-Pétersbourg est un véritable coup de poing sur ce point. Comme si toute la ville cherchait à se rattraper pour le reste de la Russie. Si en d’autres endroits j’ai été profondément touché par l’authenticité de certains bâtiments de cultes préservés, j’ai été véritablement interpellé de voir cette ville remplie de tsarisme, d’être là subitement plongé dans une autre époque. Bien sûr, tous ces édifices ont été reconvertis sous l’URSS. Évidemment, la restauration est également passée par là depuis. Il n’empêche, l’effet a été saisissant pour moi.
 

En Russie – plus précisément en République de Russie -, l’architecture est reconnaissable. Je suis loin d’en être un spécialiste, mais j’ai été frappé de retrouver une telle continuité dans le style architectural. Et ce, tout le long des 12.000 km que j’ai parcourus en Russie. Bien sûr, on reconnaîtra un parlement d’une cathédrale, et il faudrait avoir de l’imagination pour trouver des ressemblances entre un immeuble d’appartements et une datcha. Mais on retrouve à travers toute la République de Russie un ‘coup de patte’ qui lui est propre.

Irkustsk - Parlement de la Sibérie
Moscou - QG du FSB/KGB
Saransk - Cathédrale
Khabarovsk - Cathédrale

Moscou – Irkutsk : ~5.200 km

Saransk – Khabarovsk : ~7.700 km

Là encore, Saint-Pétersbourg change la donne. La ‘patte de Saint-Pétersbourg’ a cristallisé à jamais dans ma mémoire une Russie qui, tout en restant russe, a brutalement décidé de changer de cap. Dès mon premier voyage d’Irkutsk à Vladivostok, j’ai pressenti le rôle de ‘pont’ culturel, historique et économique que joue la Russie entre l’Europe et l’Asie. Voir Saint-Pétersbourg, c’était toucher une des extrémités de ce pont. J’y retournerai bientôt, en venant de l’Europe cette fois. Je suis très curieux de voir ce que ce changement de perspective apportera à ma deuxième visite de cette cité.

L'Ermitage
Au coin d'une cour
Saint-Sauveur sur le Sang Versé
L'art nouveau mode St-Pét

Saint-Pétersbourg – Saint-Pétersbourg : < 10 km

En Russie, il y a une thématique que l’on retrouve au moins aussi souvent que la tronche de Lénine : la Grande Guerre Patriotique. Plus connue dans le reste de l’Europe sous le nom de Seconde Guerre mondiale, elle semble être considérée comme un élément fédérateur de premier plan par l’appareil politique russe. Comprends-moi bien quand je dis ‘elle semble’… Chaque ville a son monument aux morts, sa flamme éternelle et son Парк Победы (Park Pobedu, “Parc de la Victoire”). Les affiches dans les rues sur le sujet sont monnaie courante, et il n’est pas rare de voir des tanks exposés au public (genre pas juste un petit char qu’on avait laissé traîner).

Saint-Pétersbourg a été Léningrad.

Quelle meilleure manière d’entamer la fin de cet article ? Léningrad, c’est un siège de 900 jours. Plus d’un million de civils y sont décédés. Saint-Pétersbourg ne fait donc pas exception à la règle : monuments aux morts, flamme éternelle, rappels fréquents… Vous les trouverez aussi là-bas.

Monument aux morts à Saint-Pétersbourg (et son musée au sous-sol)
Cher touriste,
Si tu envisages de te rendre en Russie pour visiter Saint-Pétersbourg, prends le temps de relire cet article. Et si j’ai su te convaincre que Saint-Pétersbourg se visite aussi à Moscou, passe quatre heures en train pour pousser ton exploration jusque-là, puis va encore un peu plus à l’est. Va voir Kazan, et trouve-toi un guide. Un tout autre visage de la Russie t’y attend. Un visage qu’aucun grand média européen ne te montrera.
 

Cher membre de l’humanité,
La véritable conclusion de cet article, c’est que se limiter à Saint-Pétersbourg quand on prend la peine d’aller en Russie, c’est comme prendre le chocolat qu’on connaît dans une boîte qui en contient vingt autres inconnus. Bien sûr que c’est bon. Mais prends le risque de mettre en pause cette idée que la Russie est un grand pays ennuyeux. Tu ne seras pas déçu. Expérimente le train russe, regarde les belles places et les parcs des villes, observe le rapport à l’espace urbain… Il y a tant à voir, tant à découvrir.

As-tu déjà regretté d’avoir choisi un chocolat décevant, contre deux qui t’ont fait redécouvrir le chocolat ? As-tu déjà regretté d’avoir dépassé ta peur de l’inconnu et d’en revenir plus riche ?

Un minuscule échantillon d'une Kazan qui montre un autre visage de la Fédération de Russie