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Cher membre de l’humanité,
 
As- tu déjà eu peur de rêver ? Pas de réaliser tes rêves… C’est facile d’avoir peur de réaliser un rêve. Je te parle d’avoir peur de rêver.
 
Je connais des gens à qui c’est arrivé. Certains rêves sont tellement ambitieux qu’ils effraient. Je ne parle pas d’une ambition qui se mesure par une somme d’argent à trouver, ou un nombre astronomique de kilomètres à parcourir. Je parle d’une ambition intérieure. Certains rêves ont ce pouvoir de soulever tout ton être, pour le meilleur ou pour le pire. Y penser suffit à te transporter dans des lieux hors de l’espace et du temps. Ils font vibrer une part intime de toi-même, qui te regarde fixement, et qui attend tant de toi… En fait, c’est toi qu’elle attend. Et c’est ça qui fout les jetons.
 
Il y a des gens qui ne connaissent pas cette peur-là. Certains n’ont pas encore rencontré cette part d’eux-mêmes. D’autres n’en ont pas peur, tout simplement. Il y a aussi des gens qui n’ont pas besoin de se ré-inventer en permanence pour se sentir vivre.
 
Et puis il y a ceux pour qui la vie doit être vécue en grand. Je les appelle les “mégalomanes de la vie”. On leur dit souvent qu’ils se prennent trop la tête, qu’ils ne savent pas faire les choses simplement. Ils sont comme des galaxies. Une galaxie, ça se pense d’abord comme quelque chose d’immense. Au centre, il y a un grand trou noir et c’est lui qui la structure. C’est autour de lui que tout gravite. Sans lui, la galaxie se disperserait. Mais ce centre peut aussi tout absorber. Le trou noir doit être fort, sans jamais gagner. Pour ces mégalomanes, donc, la vie ne peut être vécue que comme un éternel mouvement. Tout ce qui s’y greffe doit prendre part à cette danse ou être condamné à l’oubli.

Mais que peut bien être la nature de ce trou noir ? Qu’est-ce qui peut bien structurer un être humain de telle sorte ? Eh bien, comme tous les trous noirs, il n’est composé de rien de précis. Souvent, on y trouvera tout de même des rêves, ou des idéaux. Des éléments qui possèdent un pouvoir d’attraction suffisamment fort pour tenir en mouvement toute une galaxie. Souvent aussi ce sont des angoisses. Quoi de plus fort en effet que des angoisses pour captiver l’attention d’un être humain ? Rien n’est plus susceptible d’entraîner un mouvement, en spirale toutefois. Quand on est une galaxie, les rêves et les angoisses se côtoient, se mélangent. Ils se confondent parfois en une seule entité. Beaucoup de voyageurs le savent, un rêve de voyage peut devenir une angoisse d’avoir trop à voir pour pouvoir tout vivre. Un rêve de mariage peut devenir une angoisse de se perdre dans l’autre. Se projeter dans l’achat d’une maison, c’est se fixer quelque part, risquer de stopper ce mouvement nécessaire pour exister. Voilà comment les galaxies peuvent avoir peur de rêver. Peur de se voir englouties par leurs rêves.

 
C’est l’étrange parcours des mégalomanes de la vie, partagés entre la présence fixe et massive de rêves, d’idéaux ou d’angoisses, et le mouvement perpétuel autour de cet amas d’émotions puissantes, subjuguantes.
 
 
Cher membre de l’humanité,
Si aujourd’hui un trou noir semble vouloir t’engloutir, voici une histoire pour toi. Celle d’une femme qui pourrait être toi.
Mégalomane de la vie, elle vit dans l’espace. Elle lutte depuis longtemps contre ce trou noir au centre d’elle. Ca la fatigue. Être constamment aux prises avec deux énergies contradictoires, c’est épuisant. La force de la liberté face au pouvoir d’attraction de ce centre. Tour à tour, elle vole et elle chute. Elle espère, puis désespère. Elle vit, puis elle meurt. Son âme commence à prendre des rides…
 
 
Un jour, elle lâche prise.
 
 

Sous l’effet de l’attraction du trou noir, son univers se recroqueville sur lui-même, sur elle, même. Hypnotisée par ce centre massif, c’est le début de la spirale. Son regard indifférent est fixé sur ce trou noir, qui s’approche. Il ressemble à un monstre qui attend son heure. Il aspire tout, ne laissant que l’angoisse autour de lui. Une angoisse dont il est lui-même porteur. Alors qu’elle subit la chute, une idée germe, semblant fixer le temps. Une vraie pause pour l’esprit dans une vie de mouvement perpétuel. Et si ? Et si… Un sourire un peu jaune s’esquisse sur son visage, et le temps reprend son cours. Mais une chose a changé.

Cette fois, elle choisit de choir. Au fur et à mesure qu’elle s’approche du monstre, sa détermination grandit. Elle se sent accélérer, la tension monte. Elle devient complice de sa propre angoisse, et laisse toute sa vie se faire engloutir pendant qu’elle gagne de la vitesse. Voilà l’idée : exploiter cette énergie formidable pour aller au contact, et briser. Le monstre ou elle. La coexistence n’est plus possible. Elle peut maintenant pressentir la bête frémir d’impatience. Les enjeux sont tels que son corps crie grâce, tiraillé par toutes les forces en jeu. Et pendant que la chute s’accélère encore, lui ouvre une gueule énorme…

 

Éclair

Cris 

Choc 

Douleur

Déchirement

Ici, tout est calme. Le temps semble s’écouler paisiblement. Ici, tout est sans substance. C’est reposant. Là où la pesanteur se faisait lourde, tout paraît léger à présent. C’est comme si l’espace venait de s’ouvrir. Tout d’un coup, le trou noir n’est plus une évidence. Autour d’elle, des myriades d’étoiles colorent son univers. C’est beau.
 
Alors qu’elle contemple ce nouveau tableau, qu’elle écoute ce nouveau chant des possibles, un vertige la saisit. Un doute l’étreint. Il y a trop. Trop à voir, rien pour se fixer. Elle se perd dans cette immensité. Regardant tout autour d’elle, elle aperçoit un point de repère. Petit à petit, elle comprend. Ce point de repère… L’impact l’a projetée loin, très loin du trou noir. Loin d’elle-même. Il apparaît sous une autre nature : l’ennemi inévitable devient allié indispensable. C’est lui qui la protège de l’égarement dans cet univers infini.
 
Quelque chose a changé, cependant. Le trou noir a gagné quelques couleurs. Lui qui était immuable, le voilà qui laisse miroiter des reflets serpentant lentement à sa surface. Il s’est embelli. Elle s’est embellie. Observant patiemment, elle constate que ces couleurs sont celles des innombrables étoiles qui composent son ciel.
 
Lui qui n’était qu’angoisse, il se risque maintenant à renvoyer les couleurs de rêves qu’il reçoit des étoiles. Le trou noir a cessé d’être noir parce qu’il s’est mis à donner. L’échange est désormais possible.
 

Sans méfiance, elle se laisse attirer. Le mouvement, d’abord lent, la berce. Petit à petit, elle reprend de la vitesse. Telle une aviatrice, elle reçoit de la chute l’énergie pour mieux repartir. Au plus proche du centre, c’est la passion : sa vie est intense et vibrante. Au plus loin, c’est l’escapade : sa vie est paisible et reposante. Ce mouvement de danse a cessé d’être macabre, et est désormais porteur de vie et d’espoir. Le rapport de force a cédé le pas à la symbiose.

C’est l’histoire d’un oiseau sorti de sa cage. Tout est liberté, tout est respiration. Tout est mouvement.

Images: https://pxhere.com (1 et 4), https://pixabay.com (2 et 3),  et https://apod.nasa.gov (5)